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Page:Andler - Nietzsche, sa vie et sa pensée, I.djvu/241

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Nietzsche songeait à demander conseil pour le prochain avenir, il attribuait à Stendhal un des rangs les plus hauts. Il le surfait comme ce fut depuis la mode en France après un long oubli. Il veut en faire « un chef pour commander à l’élite la plus rare ». Il était souhaitable, certes, que dans la triste Europe bismarckienne, les influences intellectualistes fussent renforcées par le crédit croissant de cette claire pensée stendhalienne. Il méritait une influence européenne, lui, dont la vie entière avait pour devise cette maxime citée par son biographe Colomb :

L’univers est une espèce de livre dont on n’a lu que la première page, quand on n’a vu que son pays[1].

D’un « rythme napoléonien » Stendhal avait dû parcourir cette Europe qui fut la sienne, c’est-à-dire, plusieurs siècles de l’âme européenne[2] ; et il avait fallu deux générations pour rattraper son avance audacieuse. C’est parce qu’il se croit arrivé sur la même ligne et capable de prolonger son aventureuse exploration, que Nietzsche l’appelle son « ami défunt »[3].

I. L’idéologie de Stendhal, — Pour définir la communauté d’idées et de desseins que Nietzsche appelle leur « amitié », disons qu’elle consiste d’abord en une pareille notion de la science de l’âme. Pour Stendhal, il y a deux subdivisions à la connaissance de l’homme : 1o La science de connaître les motifs des actions des hommes ; 2o La logique ou l’art de ne pas nous tromper en marchant vers le bonheur.

Tout est dit aujourd’hui sur ce que Stendhal doit à

  1. R. Colomb, Notice biographique placée en tête du roman d’Armance, p. 11.
  2. Ibid. et Jenseits, VIII, § 256. (W., VII, p. 229 ; XIII, p. 357.)
  3. Lettres à Peter Gast, 30 mars 1885.