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LA VIE D’UN POPE

— C’est vrai ? Il dort ? Tu l’as vu toi-même ? Ne mens pas ! C’est un péché de mentir !

— Mais oui, je l’ai vu, il dort.

— Alors, qui donc parle, là, derrière le mur ?

— Il n’y a personne, c’est toi qui crois entendre parler.

La popadia exulte d’une joie fiévreuse : elle rit bruyamment et secoue la tête d’un air mutin, en chassant de la main quelque chose… Évidemment, c’est cela… ; quelqu’un a voulu l’effrayer pour se jouer d’elle, et, comme ce n’est qu’une plaisanterie, elle est la première à en rire.

Mais son rire solitaire reste sans écho et meurt dans le silence, comme une pierre qui tombe dans un abîme sans fond ; et le sourire crispe encore ses lèvres que déjà l’épouvante glacée renaît dans son regard.

Plaintive, elle recommence à gémir :

— Vassili, j’ai peur de toi, comme tu es changé tout de même !… viens un peu à la lumière !

Obéissant, le père Vassili s’approche de la table ; la chaude lumière de la lampe inonde