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Page:Andreïev - Nouvelles, 1908.djvu/68

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NOUVELLES

rampa sous les vieux arbres maussades, et lorsqu’on alluma un feu de bengale rouge, les formes des gens qui couraient ressemblèrent à des ombres monstrueuses, convulsivement agitées.

Le préfet de police, le Brochet, qui avait beaucoup bu au dîner, regardait avec bienveillance ce joyeux tumulte ; il faisait de l’esprit avec les dames et était heureux. Quand, dans l’obscurité fumante, il entendit la voix du gouverneur, il aurait voulu pouvoir l’embrasser sur l’épaule, enlacer avec précaution sa taille, en un mot, faire quelque chose qui exprimât son dévouement, son amour et sa satisfaction. Mais, au lieu de cela, il appliqua la main sur le côté gauche de son uniforme, jeta dans l’air une cigarette qu’il venait d’allumer et dit :

— Ah ! quelle merveilleuse fête, Excellence !

— Écoutez, Illiador Vassiliévitch, dit le gouverneur d’une voix étouffée, pourquoi me faites-vous suivre par des agents ? À quoi bon ?

— Des malfaiteurs se proposent d’attenter à votre existence sacrée, Excellence ! dit le Brochet avec sentiment, les deux mains sur sa poitrine. Et je suis, entre autres, obligé…