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Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/83

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les troubadours se sont faite de l’amour. Les premiers, dans les littératures modernes, ils ont su exprimer avec éclat les sentiments que cette passion inspire.

Ils ont imposé leur conception de l’amour à leurs nombreux imitateurs : poètes français, italiens, portugais et même allemands. Il est important de reconstruire une théorie dont on retrouve les éléments au berceau des principales poésies modernes.

Nous ne dirons rien du premier troubadour connu, Guillaume, comte de Poitiers. Ce fut un homme d’humeur fort joyeuse et gaillarde et ses poésies en témoignent en plus d’un endroit. Si les troubadours qui suivirent lui avaient emprunté sa conception de l’amour, ils n’auraient pu guère ajouter à la sensualité, disons même à la brutalité de quelques-unes de ses chansons. Ce troubadour de haut parage parle trop souvent comme le plus mal élevé de ses écuyers. Il est pour peu de chose dans la conception de l’amour telle que l’ont faite les grands troubadours du xiie siècle, et il y a un abîme par exemple entre lui et Bernard de Ventadour ou Giraut de Bornelh.

Et cependant son dernier éditeur a bien nettement montré, après Diez, que les principaux traits de l’amour conventionnel, tel que l’ont conçu les troubadours de l’époque classique, étaient déjà en germe chez le premier troubadour. « L’espèce d’exaltation mystique qui a pour cause et pour objet à la fois la femme aimée et l’amour lui-même était déjà désignée sous le nom de joi (joie) ; l’hymne enthousiaste que