Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aperçûmes la terre. Il y avait déjà huit heures que nous avions quitte le radeau elles autres embarcations. Nous faisions route isolément. À la vue de la côte, la joie fut générale, les dangers que nous avions courus, ceux auxquels nous allions être exposés, tout fut oublié.

Mais l’abattement succéda bientôt à cette lueur d’espérance ; loffe ! il n’y a pas de fond, s’écria un matelot. L’effet de la foudre n’est pas plus prompt que celui que produisirent sur les esprits ces terribles paroles.

À neuf heures du soir, les matelots parvinrent, à force de rames et de fatigues, à dégager la chaloupe des bancs de sable et de coraux qui la retenaient.

Pour témoigner noire juste reconnaissance à ces infatigables marins, nous nous privâmes, en leur faveur, d’une partie de notre ration.

Comme la nuit était très-obscure, Espiaux jugea à propos de tenir le large de crainte que, surpris par un coup de vent, nous ne fussions jetés à la côte.

Nous dûmes notre salut à cette sage manœuvre ; car, si notre chaloupe eût longé la terre, nous aurions été nous briser sur les rochers du Cap-Mérick, tandis que nous le doublâmes grâce à la prudence de notre timonier.