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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/57

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J’étais de ce nombre ; un engourdissement répandu sur tous mes membres semblait les avoir paralyses ; j’avoue qu’alors je perdis tout espoir.

Je suppliai un matelot de m’arracher la vie d’un coup de pistolet ; mais il fut sourd à ma prière. Cependant la chaleur du soleil rendit un peu de mouvement à nos corps abaissés ; nous en profitâmes pour ramper aussi loin qu’il fut possible.

Mais, dans la nuit du cinquième au sixième jour, nous perdîmes presque tous l’usage de nos sens ; la langue ne pouvait articuler, il fallait se parler par signes ; en proie à la plus violente frénésie, nous eûmes besoin de nous rappeler notre serment.

Personne n’osa le rompre. Que l’on juge de notre état, par le moyen que nous employâmes le sixième jour pour alléger nos tourments.

Après avoir serré l’extrémité de nos doigts, au point d’arrêter la circulation du sang ; nous les piquions avec une épingle pour sucer le sang qui en sortait.

Quel secours ! cinq à six de nous périrent, et leurs cadavres, étendus dans le désert, durent sans doute servir de pâture aux bêtes féroces.