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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/78

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» Depuis, nous avons su que nous étions encore à plus de soixante lieues du Sénégal.

» Dans la journée, vers le milieu du 8 juillet, un de nos canots fit route avec la chaloupe, il souffrait plus que nous, et résolut de faire de l’eau à terre, si cela était possible ; mais les marins révoltés exigèrent qu’on y débarquât tout-à-fait : il y avait deux jours qu’ils n’avaient bu.

» L’officier voulait s’y opposer ; les matelots avaient le sabre à la main. Une boucherie épouvantable fut sur le point d’avoir lieu à bord du malheureux canot.

» Les deux voiles furent hissées, pour aller échouer plus promptement à la côte ; tout le monde arriva à terre ; le bâteau s’emplit d’eau et fut abandonné.

» Cet exemple, funeste pour nous, donna à nos matelots l’envie d’en faire autant. M. Espiaux consentit à les mettre à terre ; il espérait pouvoir ensuite, avec le peu d’eau qui restait, et en manœuvrant nous-mêmes, aller au Sénégal.

» Nous entourons donc ce peu d’eau, et nous nous armons de nos épées pour la défendre. On se porte près des brisans ; on jette l’ancre, et l’officier donne l’ordre de filer la corde doucement ; les marins, au contraire, lâchèrent la corde ou la coupèrent. La chaloupe n’étant plus retenue, est entraînée sur un premier écueil.