Page:Annales de la société Jean-Jacques Rousseau, tome 24.djvu/14

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pour la jeune écouteuse n’était pas le récit de la première entrevue de sa grand’mère avec Jean Jacques ? Celle-ci est connue, par deux pages célèbres de l’Histoire de ma vie, rédigées vers 1855. Elles reproduisent, avec peu de changement, la rédaction première qu’en fit George Sand, sur les notes de sa grand’mère, en 1833, et qu’elle joignit à une lettre à Mme Hortense Allart, laquelle, après Lélia, avait manifesté le désir de la connaître davantage. Cette première rédaction, on nous excusera de la reproduire ici tout au long, comme appartenant à notre sujet

« Ma grand’mère. Aurore de Saxe, m’a souvent raconté sa première entrevue avec Rousseau. Dès lors il vivait sauvage et retiré, atteint déjà de cette misanthropie maladive qui fut trop cruellement raillée par ses amis paresseux et frivoles.

« …Depuis son mariage Madame de Francueil priait vivement son mari de lui faire connaître Jean Jacques. Avant qu’elle eût réalisé ce désir, la Nouvelle Héloïse fut publiée et Madame de Francueil la dévora tout d’une haleine. comme elle disait, oubliant, comme cette femme de la Cour dont parle Jean-Jacques, et le bal pour lequel elle s’était parée et sa voiture qui l’attendait à la porte.

« L’enthousiasme produit en elle par la lecture de Julie augmenta son désir de voir l’auteur, et Francueil courut chercher le philosophe, l’ours sublime, comme on l’appelait dans la coterie. L’ours sublime arrive, l’air demi-niais, demi-bourru. Il se laissa entraîner dans le salon et s’assit dans un coin sans parler à personne, ne demandant pas où était la maîtresse de maison, en tout, cédant de mauvaise grâce à la curiosité de cette femme dont il n’avait demandé ni l’âge, ni le caractère. De son côté, elle ne se pressait pas de finir sa toilette, ignorant que Francueil avait réussi à