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Page:Annales de mathématiques pures et appliquées, 1814-1815, Tome 5.djvu/39

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SUR LA RÉSISTANCE DES BOIS.

forces ont leurs effets certains, quoique par fois trop petits pour tomber sous nos sens ; et souvent ces effets, insensibles individuellement, s’accumulent au point de produire les résultats les plus marqués et les plus graves : nous n’en citerons qu’un seul exemple.

Le plus grand édifice que nous puissions construire en charpente est sans contredit un vaisseau, tel qu’il le faut aujourd’hui pour entrer en ligne dans nos escadres. Lorsqu’un vaisseau du premier rang est établi sur les chantiers, ses dernières alonges s’élèvent au-dessus du faîte des plus hautes maisons. Il doit loger mille hommes et au-delà, renfermer leurs vivres pour six mois, et toute l’artillerie d’une place forte de seconde classe. Aussi la solidité de sa construction répond-elle à l’immensité des objets qu’il doit contenir. Nous avons nommé murailles ses parois en charpente ; et leur épaisseur est en effet au moins égale à celle des murs extérieurs de nos maisons ordinaires. Les liaisons, les supports en tous genres y sont combinés avec intelligence ; le cuivre, le fer y sont prodigués pour maintenir l’ensemble de toutes les parties. Qui douterait qu’avec des moyens si puissans et si bien disposés, la forme du vaisseau ne se trouvât assurée d’une manière invariable, cependant cela n’est pas. À peine est-il lancé sur la mer, que, d’une part l’inégale réaction produite dans un sens par les poids accumulés vers les extrémités, et de l’autre la répulsion de l’eau, concentrée vers le milieu, courbent à la fois toute cette grande machine, et font former à ses parties des arcs qui, sur une corde de soixante mètres, ont présenté quelquefois un demi-mètre de flèche, et au-delà.

Une telle déformation est énorme sans doute ; elle change puissamment la stabilité du vaisseau ; elle influe sur toutes ses autres qualités. Cependant, si nous voulions savoir quelle serait la flèche d’un arc ayant deux mètres de corde, et ayant d’ailleurs la courbure que nous venons d’indiquer, nous trouverions que le nouvel arc devrait avoir pour flèche moins de deux dixièmes de millimètres, c’est-à-dire, une grandeur presque insensible, sur une longueur au moins égale à notre plus haute stature.