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Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/104

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Préface.

moyen âge. Dans le premier cas, nulle difficulté : il recevait, comme un simple jongleur, soit les deniers des petites gens, soit les livraisons en nature que lui offrait la générosité des grands, et qui consistaient d’ordinaire, on le sait, en robes, en manteaux, en vêtements confectionnés, parfois même en roussins ou en mulets. Or, s’il recevait en ce genre au delà de ses besoins, ce qu’il faut bien croire, notre auteur devait se transformer, pour écouler sa recette, en marchand d’habits et en marchand de chevaux. Il se trouvait, à l’égard du public, dans la situation où l’usurier place l’emprunteur en détresse auquel il fait un prêt partie en argent, partie en objets divers à liquider, par exemple, en paletots ou en redingotes, à moins qu’il ne préfère lui offrir quelque peau de lézard, « curiosité agréable pour pendre au plancher d’une chambre ».

Que si l’écrivain voulait se soustraire à ce trafic, il y a toute apparence qu’il traitait avec les jongleurs en leur vendant le manuscrit de son ouvrage pour le débiter à leurs risques et périls ; car, comme il n’avait nul moyen de contrôler leur recette, il ne pouvait guère s’en réserver une part pour ses droits d’auteur.

À en juger par ce que nous savons du succès de la chanson de Macaire, on peut croire qu’elle enrichit le trouvère auquel on devait le plaisir de l’entendre, ou qu’elle valut à ses éditeurs un grand nombre de manteaux et de roussins. En sus de quoi, si insensible à la gloire qu’on le suppose, il dut quelque peu s’applaudir de son heureuse veine, et, s’il pouvait aujourd’hui se réveiller, il aurait sujet d’être bien plus fier encore en voyant