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Page:Anonyme - Macaire, chanson de geste.djvu/521

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329
Appendice.

de la cour du Roy. Machant avoit caché et couvert le corps de feüilles et d’herbes, mais le Levrier, qui aymoit son maistre, demeura aupres de luy, jusqu’à ce que la faim le fit aller à la cour querir sa vie. Et si tost qu’il aperçut le meurtrier, il luy courut sus, et le vouloit étrangler, et tant de fois aprés en avoir esté separé, retourna contre luy, qu’il mit en suspicion le Roy et sa Noblesse, de maniere que, s’en retournant vers le mort, il fut suivi par quelques familiers du deffunt, qui trouverent le corps dudit deffunt dans le bois, navré en plusieurs lieus, et en firent leur rapport au Roy Charles V, lequel assembla son conseil, et fut déterminé, que pour verifier le meurtre et trahison, Machant combatteroit le Levrier[1] ; jour baillé pour la bataille en l’Isle Notre Dame, et à l’heure du combat, on enfoüit Machant jusques au faix du corps, en telle maniere toutefois qu’il pouvoit tourner tout à son aise, et luy furent baillé un écu et un baston pour toutes armes. Les amis du deffunt tenoient le chien, et l’ayant laissé courir, il courut sus au meurtrier, de tel courage et violence qu’il le prit par la gorge avec les dents, et luy fit confesser sa trahison et demander misericorde au Roy. Ainsi le loyal Levrier, un chien, une beste, par la grace et aide de Dieu, prouva la verité, et semble par cét exemple que Dieu veüille et permette que les cas obscurs et faits en trahison soient prouvés par des moyens extraordinaires, pour en estre fait la punition ; car ledit Machant fut pendu et étranglé au gibet de Montfaucon[2], et le corps du deffunt sépulturé hono-

  1. À la marge on lit : « Ce combat du levrier et du meurtrier de son maistre est peint au manteau de la cheminée de la grande salle du château de Montargis. »
  2. À la marge : « Vulson alleguant cette histoire, dit ne scavoir le genre de mort. »