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Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 1.djvu/352

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Les aventures

serter faute d’alimens, & à se jeter dans les bois avec toute leur race. Je n’en avois gardé auprès de moi que deux ou trois favoris, dont j’avois grand soin de noyer les petits, dès qu’ils venoient au monde ; le reste de mon domestique consistoit en deux chevreaux que j’avois accoutumés à manger de ma min, & deux autres perroquets qui jasoient assez bien pour prononcer Robinson Crusoé, mais qui étoient bien éloignés de la perfection de l’autre, pour lequel j’avois pris aussi beaucoup de peine. J’avois encore quelques oiseaux de mer, dont j’ignorois les noms ; je les avois attrappés sur le rivage, & leur avois coupé les aîles ; ils habitoient & pondoient devant le retranchement de mon château, & ils contribuoient beaucoup à mon divertissement. J’étois content encore un coup, pourvu que les sauvages ne vinssent pas troubler ma tranquillité.

Mais le ciel en avoit ordonné autrement, & je conseille à tous ceux qui liront mon histoire, d’en tirer la réflexion suivante : combien de fois n’arrive-t-il pas dans le cours de notre vie que le mal que nous évitons avec le plus grand soin, & qui nous paroît le plus terrible quand nous y sommes tombés, soit, pour ainsi dire, la porte de notre délivrance & l’unique moyen de finir de malheurs ? Cette vérité a été sur-tout remar-