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Page:Anonyme ou Collectif - Voyages imaginaires, songes, visions et romans cabalistiques, tome 25.djvu/444

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mées n’étoient qu’à quatre lieues l’une de l’autre, lorsque celle du roi de Numidie, qui étoit fatiguée des grandes marches qu’elle avoit faite, fut obligée de se reposer deux ou trois jours. C’étoit dans un lieu fort beau & fort commode. D’un côté, il y avoit une belle rivière, & de l’autre un bois, où le prince de Sarendip alla se promener seul à cheval, pour rêver plus commodément, sans être interrompu de personne. À peine eut-il fait dix pas dans ce bois, qu’il entendit la voix d’un homme qui crioit de toute sa force : À l’aide ! Et aussi-tôt, s’étant avancé du côté que le cri venoit, il en connut bientôt la cause. C’étoit un pauvre soldat qui étoit venu couper du bois, & qui, courant tout hors d’haleine, & n’en pouvant presque plus, tournoit autour d’un gros arbre, pour se garantir d’un grand & furieux tigre qui le poursuivoit vivement, tout prêt à se jeter sur lui. Le prince de Sarendip, sans délibérer davantage sur le parti qu’il devoit prendre, emporté par l’ardeur de son courage & de sa charité, à la vue du péril d’un de ses soldats, poussa son cheval de toute sa force, l’épée à la main, vers la bête, qui, abandonnant sa première proie, vint à lui, les yeux enflammés, la gueule béante, & le poil hérissé, avec une espèce de rugissement effroyable, pour s’élan-