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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/170

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LE POÈTE ASSASSINÉ

puis il sortit après avoir adressé à Mariette un long regard qu’elle ne lui rendit point, mais il eut le plaisir de voir qu’elle rougissait en se détournant.

Il remonta sur son cheval et reprit la route de sa demeure. Étant pour la première fois triste d’amour, il trouva une mélancolie extrême aux paysages parcourus auparavant. Le soleil était descendu sur l’horizon. Les feuilles grises des oliviers lui paraissaient d’une tristesse pareille à la sienne. Des ombres s’étendaient comme une onde. La rivière où il avait vu les baigneuses était abandonnée. Le bruit des petits flots lui fut insupportable comme une moquerie. Il lança son cheval au galop. Alors ce fut le crépuscule, des lumières s’allumaient au loin. Puis, la nuit étant venue, il ralentit son cheval et s’abandonna à une rêverie déréglée. La route en pente était bordée de cyprès, et c’est ainsi qu’assombri par la nuit et par l’amour, Croniamantal suivait le chemin mélancolique.

Son maître remarqua sans peine, les jours suivants, qu’il n’apportait plus aucune attention à des études auxquelles il s’appliquait auparavant. Il devina que ce dégoût venait de l’amour.

Ce qui se mêlait de mépris à son respect avait