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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/173

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LE POÈTE ASSASSINÉ

mèrent la ruse et marchant maintenant avec lenteur, il se réfugia dans sa mémoire, et allait de l’avant, tandis que toutes les forces de sa destinée et de sa conscience écartaient le temps pour qu’apparût la vérité de ce qui est, de ce qui fut et de ce qui sera.

Le jeune homme entra dans une maison sans étage. Sur la porte ouverte, une pancarte portait :

Entrée des Ateliers

Il suivit un couloir où il faisait si sombre et si froid qu’il eut l’impression de mourir et de toute sa volonté, serrant les dents et les poings, il mit l’éternité en miettes. Puis soudain il eut de nouveau la notion du temps dont les secondes martelées par une horloge qu’il entendit alors tombaient comme des morceaux de verre et la vie le reprit tandis que de nouveau le temps passait. Mais au moment où il se disposait à toquer contre une porte, son cœur battit plus fort, crainte de ne trouver personne.

Il toquait à la porte et criait :

« C’est moi, Croniamantal. »

Et derrière la porte les pas lourds d’un homme fatigué, ou qui porte un faix très pesant, vinrent avec lenteur et quand la porte s’ouvrit ce fut dans