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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/201

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LE POÈTE ASSASSINÉ

croniamantal

Ô source ! Toi qui jaillis comme un sang intarissable. Toi qui es froide comme le marbre, mais vivante, transparente et fluide. Toi, toujours nouvelle et toujours pareille. Toi qui vivifies tes rives qui verdoient, je t’adore. Tu es ma divinité non-pareille. Tu me désaltéreras. Tu me purifieras. Tu me murmureras ton éternelle chanson et tu m’endormiras le soir.

la source

Au fond de mon petit lit plein d’un orient de gemmes, je t’entends avec agrément, ô poète ! que j’ai enchanté. Je me souviens d’un Avallon où nous aurions pu vivre, toi comme le roi Pêcheur et moi t’attendant sous les pommiers. Ô îles aux pommiers ! Mais je suis heureuse dans mon petit lit précieux. Ces améthystes sont douces à mon regard. Ce lapis-lazuli est plus bleu qu’un beau ciel. Cette malachite me figure une prairie. Sardoine, onyx, agate, cristal de roche, vous scintillerez ce soir. Car je veux donner une fête en l’honneur de mon amant. J’y viendrai seule, comme il convient à une vierge. De mon amant le poète la puissance s’est déjà manifestée et ses présents sont doux à mon cœur. Il m’a donné ses yeux tout en larmes, deux sources adorables et tributaires de mon ruisseau.