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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/233

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LE POÈTE ASSASSINÉ

grand journal La Voix, publié à Adélaïde (Australie), en langue française, contenait un article du savant chimiste-agronome Horace Tograth (un Allemand, né à Leipzig), dont les découvertes et les inventions avaient paru souvent tenir du miracle. L’article intitulé Le Laurier contenait une sorte d’historique de la culture du laurier en Judée, en Grèce, en Italie, en Afrique et en Provence. L’auteur donnait des conseils à ceux qui avaient des lauriers dans leurs jardins, il indiquait les usages multiples du laurier, dans l’alimentation, dans l’art, dans la poésie et son rôle comme symbole de la gloire poétique. Il en venait à parler mythologie, faisant des allusions à Apollon et à la fable de Daphné. À la fin, Horace Tograth changeait brusquement de ton et terminait ainsi son article : « Et puis, je le dis en vérité, cet arbre inutile est encore trop commun, et nous avons des symboles moins glorieux auxquels les peuples attribuent la saveur fameuse du laurier. Les lauriers tiennent trop de place sur notre terre trop habitée, les lauriers sont indignes de vivre. Chacun d’eux prend la place de deux hommes au soleil. Qu’on abatte les lauriers et qu’on craigne leurs feuilles comme un poison. Naguère encore symbole de poésie et de science littéraire, elles ne sont aujourd’hui que le symbole de cette morte-gloire qui est à la gloire ce