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LE ROI-LUNE

poignant, comme si des milliers de voyageurs égarés avaient crié leur désespoir. Au bout de quelques minutes, m’étant habitué à la caverne, je perçus un bruit lointain de musique. Je crus d’abord m’être trompé, mais bientôt, je ne doutai plus, des ondes sonores et harmonieuses parvenaient jusqu’à mes oreilles et provenaient des entrailles de la montagne. Quel étonnement et quelle terreur ! je voulus fuir. Puis la curiosité l’emporta et, tâtonnant le long de la paroi, je m’acheminai dans le but d’explorer la caverne de sorcellerie. J’avançai ainsi pendant plus d’un quart d’heure et les harmonies de l’orchestre souterrain se précisaient ; puis la paroi fit un angle brusque. Je tournai changeant de direction et j’aperçus, à une distance que je ne pouvais évaluer, un peu de lumière filtrant, paraissait-il, autour d’un vantail. Je hâtai le pas et arrivai bientôt devant une porte.

La musique avait cessé. J’entendais une rumeur de voix éloignées. Me disant alors que les mélomanes souterrains ne devaient pas être, après tout, des gens dangereux et, d’autre part, comme malgré les apparences je ne pouvais me résoudre à admettre que mon aventure eût une origine surnaturelle, je frappai deux fois à la porte, mais personne ne vint. Enfin, ma main ayant rencontré un loquet, je le tournai et n’éprouvant aucune résistance,