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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/273

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LE ROI-LUNE

ment de tous les désirs de ces libertins, qui trouvaient la volupté dans les bras de la mort.

« Les boîtes, me dis-je, sont des cimetières, où ces nécrophiles déterrent des cadavres amoureux. »

Cette pensée me transporta, je me trouvai à l’unisson de ces débauchés et, tendant la main, je saisis près de la porte sans que personne s’en aperçût, la boîte qui s’y trouvait ; je l’ouvris, puis déclenchai le mouvement comme je l’avais vu faire aux jeunes gens, ceignis la courroie autour de mes reins et aussitôt il se forma sous mes yeux ravis un corps nu qui me souriait voluptueusement.

Peu au fait de la mécanique il me serait difficile de m’étendre sur les caractéristiques de l’appareil et sur les données théoriques qui avaient présidé à sa construction. Toutefois, comme son apparence n’avait rien de surnaturel, j’essayai de me figurer l’opération à laquelle il présidait.

Cette machine avait pour fonction : d’une part, d’abstraire du temps une certaine portion de l’espace et de s’y fixer à un certain moment et pour quelques minutes seulement, car l’appareil n’était pas très puissant ; d’autre part, de rendre visible et