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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/288

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LE ROI-LUNE

paient, se tassaient, dégringolaient, s’étreignaient, se rallumaient, se rapetissaient, grandissaient, changeaient de couleurs, unifiaient leurs teintes, les diversifiaient, les unissaient en formes géométriques, les séparaient en lueurs, en flammes, en étincelles, les solidifiaient pour ainsi dire en d’incandescentes formes géométriques, en lettres de l’alphabet, en chiffres, en figures animées d’hommes et de bêtes, en de hautes colonnes ardentes, en lacs roulant des flots enflammés, en phosphorescences livides, en gerbes de fusées, en girandes, en lumière sans foyer visible, en rayons, en éclairs.

À certains moments, j’apercevais tout un peuple réuni au loin. En me rapprochant prudemment et me dissimulant derrière les troncs d’arbres, j’arrivai à distinguer ces personnages. Ils étaient masqués, sauf le vieux roi, dont le visage était découvert. Il avait mis un costume mi-masculin, mi-féminin, c’est-à-dire que sur son costume xviiie siècle il avait enfilé une robe à paniers, mais ouverte par devant et ornée d’une ceinture de gymnastique comme en ont les pompiers.

À ce moment, la musique reprit. Il y avait des musiciens très éloignés et d’autres tout proches. Leurs fanfares s’en allaient et revenaient, éclataient au loin ou tout près. On eût dit que cent