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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/298

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GIOVANNI MORONI

« Et moi je criais :

« — Je le dirai à papa, je le dirai à papa. »

« Elle me consola et m’apaisa en m’achetant un peu de pâte de tamarin, que j’aimais beaucoup.

« Une autre fois, ma mère avait mal aux dents. Le soir, comme elle souffrait, son mari la lutina et plaisanta, disant :

« — C’est le mal d’amour.

« Ce soir-là, on me coucha plus tôt que de coutume. Le lendemain, le mal persista. Ma mère dut aller chez les capucins.

« Le portier nous fit entrer dans un parloir orné d’un crucifix, d’images pieuses, de branches d’olivier et de palmes bénites. Autour de la table, quelques frères rangeaient des paniers de salade menue et mêlée de petite laitue, de pourpier, de feuilles de radis, de pimprenelle et de fleurs de capucines que ces religieux ont coutume d’aller vendre dans la ville. Un vieux capucin entra et me bénit, tandis que ma mère lui baisait les mains en faisant un signe de croix. Ma mère s’assit, le capu-