Aller au contenu

Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
LA FAVORITE

Le monsieur bien vêtu s’était approché ; il examinait, apitoyé, l’intérieur misérable de la maison mortuaire. La Cichina le regarda encore en minaudant :

« Mouchu, disait-elle, en corrompant le mot monsieur, il est mort ! il est mort !… Je n’ai pas de chance… Mais je vois bien qu’un galant homme comme vous ne me prend pas pour une femme de rien : la misère, mouchu, me force à vivre parmi les malheurs et les malheureux… Et qui sait ? Nous allons peut-être gagner de l’argent. Il est mort le 3 et Costantzing a pris ce numéro au lotto. Ah ! oui, j’en ai eu aussi de la chance… Quand on est belle !… Il n’y avait pas de plus belle que moi à Pinéreul. »

Et elle éclata en sanglots, parlant de Pignerol, hoquetant des phrases entrecoupées et magnifiques où il re galantuomo, ce Victor-Emmanuel, qui est le Vert Galant de l’Italie, revivait brusquement avec ses grosses moustaches conquérantes, ses goûts populaires et ses favorites d’un jour.

« Vittorio Émmanuele !… Oui, mouchu. Pendant un voyage à Pinéreul… Il était le premier, je vous le jure… J’ai eu quatre marenghi, oui, mou-