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Page:Apollinaire - Le Poète assassiné, 1916.djvu/365

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SAINTE ADORATA

sa grande beauté, de sa grâce unique et de l’amour profond qui l’a peut-être fait mourir. Au demeurant, elle était bonne, douce et pieuse, et si elle n’était pas morte je l’aurais épousée.

« Je laissai les événements suivre leur cours et mon amour se changea en dévotion.

« Celle que j’avais tant aimée fut déclarée vénérable. Ensuite on la béatifia et, cinquante ans après la découverte de son corps, elle fut canonisée. Je me rendis moi-même à Rome pour assister à la cérémonie, qui est le plus beau spectacle qu’il m’ait été donné de contempler.

« Par cette canonisation, mon amour entrait au ciel. J’étais heureux comme un ange du paradis et vite je m’en revins ici, plein du bonheur le plus sublime et le plus étrange qui soit au monde, prier devant l’autel de sainte Adorata… »

… Les larmes aux yeux, le petit vieillard coquettement vêtu s’éloigna, frappant le sol de sa canne à pommeau de corail et répétant encore : « sainte Adorata !… sainte Adorata ! »