Aller au contenu

Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

maudites vieilles nous auront trahis !… Et ils emmènent Roset mourante avec eux !… ils l’emmènent !… »

Tout cela n’était que trop vrai ; tandis que Nivoulas dormait, les bohémiens avaient décampé sans même songer à lui rendre sa valise. De quel côté étaient-ils passés maintenant ? comment faire pour les atteindre ?

Mon émotion fut telle à cette nouvelle que j’en oubliai subitement mon mariage et Canteperdrix : — « C’est ta faute, Nivoulas !… Ta faute, te dis-je !… » Puis je me calme, je me mets en route au hasard. Nivoulas me suit, en pleurant toujours. Nous voilà battant le pays de compagnie.

Pas plus de bohémiens, pas plus de Roset que sur la main.

Aurais-tu rêvé ? me demandais-je quelquefois. Et le fait est que ce campement, tel que je me le rappelais, à la nuit tombante, les feux allumés, les trois sorcières, l’ombre de deux ânes et d’un mulet noir sur un ciel encore clair, toutes ces choses et Roset au milieu, presque morte, ressemblaient moins à une aventure réelle qu’aux images que se créent un cerveau malade. Nivoulas, dont la présence seule attestait que je n’avais pas rêvé, Nivoulas, long comme il était, et rendu tout à fait diaphane par la douleur, prenait lui-même à certains moments des apparences fantastiques.

Enfin, découragés, nous nous séparâmes. Nivoulas s’en alla sans vouloir me donner la main ; moi,