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Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/203

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âne gris. L’âne secouait ses longues oreilles sous l’ondée, mais n’en avançait pas d’un pouce.

— « Balthazar, Arri ! »

Ô surprise ! je crus reconnaître la voix. C’était Roset ou son fantôme que je voyais, dans l’or du couchant, rosser Balthazar d’une main légère. Roset ne fit qu’un saut du dos de son âne à mon cou.

— « Quoi, Roset, vous n’êtes point morte !… » Je n’osais plus la tutoyer.

— « Quoi ! tu n’es pas marié, Jean-des-Figues ?

— Et vous connaissiez donc, Roset, le chemin de la Cigalière !

— Non, Jean-des-Figues, j’allais te chercher à Canteperdrix ; mais pris de je ne sais quel caprice, Balthazar a quitté la grand’route, courant à travers champs, et m’a amené de force jusqu’ici où il s’est mis à ruer au soleil, comme tu vois, sans plus bouger de place.

— Ô Providence ! » m’écriai-je.

Roset me supplia d’abréger mes exclamations. Le cher fantôme avait grand-faim, chose positivement excusable, car j’appris que depuis trois jours, à peine rétablie, elle courait le pays sur un âne volé, fuyant son mari bohémien.

Nous avions du pain, l’eau de la source et des figues mûres à point.

Roset trouva tout excellent. Je lui dis alors mes folies, l’idée que je m’étais faite de sa mort, et la joie que j’avais de la voir, d’un si bel appétit, manger des figues sur sa propre tombe.