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Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/36

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je m’aperçus avec tristesse que moi, Jean-des-Figues l’Ensoleillé ! je n’étais pas amoureux encore et que j’allais prendre mes quinze ans aux pastèques.

Amoureux à quinze ans ! c’était précoce ; aussi cette belle idée d’être amoureux ne me poussa-t-elle pas ainsi toute seule.

Et, à ce propos, qu’il me soit permis d’exprimer, sans sotte vanité comme sans fausse modestie, l’admiration profonde dont je me sens pénétré toutes les fois que, réfléchissant sur ma propre destinée, je considère les soins minutieux et les peines infinies que la nature doit prendre quand elle veut convenablement fêler un cerveau. — « L’homme s’agite et Dieu se promène, » a dit quelqu’un qui croyait être un grand philosophe ce jour-là. Dieu certes peut se promener quand un sage est en train de naître. Tout, en effet, dès la première divine chiquenaude étant ici-bas à l’avance combiné, le fonctionnement régulier des forces doit fatalement, et sans qu’aucune volonté supérieure s’en mêle, créer une tête régulière, solide, carrée, pondérée, où tout est à sa place comme dans une maison bien gouvernée, une tête de sage, la tête de Socrate ou de Franklin. Mais si Dieu prétend, avec cette tête de sage, faire une tête de fou ; s’il veut, dans cette épaisse boîte où la sagesse tient son onguent, ouvrir l’imperceptible fissure par où se glissera la fantaisie, il faut bien alors que ce Dieu — fût-il