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Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/99

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Hélas ! le pauvre Mitre était un esprit rare, et les dix ou douze livres, choisis avec un sens exquis, qu’il me laissa, m’avaient donné sur Paris les idées les moins raisonnables du monde.

Ne me figurais-je pas, après les avoir lus, que j’allais vivre dans un pays fait tout exprès pour les poètes, où les paroles seraient harmonieuses comme des vers, les femmes charmantes, les hommes, sans exception, spirituels et généreux ; où l’on n’aurait, enfin, d’autre souci, artistes et lettrés, que de fumer la pure ambroisie dans des pipes de diamant et d’or ?

Pauvre Mitre fit sagement de mourir jeune et de voir toutes ces choses de loin. Pour moi, que vouliez-vous que je devinsse, débarquant ainsi dans Paris avec mes idées et mon costume de l’autre monde, un double amour embrouillé au cœur, tout bariolé d’illusions, tout pomponné d’espérances, et plus embarrassé de ce beau plumage que ne le serait un oiseau des îles, perdu, un jour de pluie, en plein bois de Vincennes ou de Meudon.

Je devais être fort comique la première semaine. Soit habitude de méridional, soit que je voulusse fuir tous ces promeneurs qui se retournaient sur mon passage, pour ces deux motifs peut-être, j’avais soin de prendre, dans les rues, le trottoir au soleil, et je m’en allais tout seul, suivi de mon ombre romantique. Je cherchais le Paris des poètes. Je le cherchai longtemps, un peu par-