Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/344

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mon opinion diffère quelque peu de celle des écrivains qui m’ont précédé. Il y a lieu d’établir, ce me semble, une distinction dont on ne s’est pas assez préoccupé.

Newton avait un esprit trop pénétrant et trop profond pour ne pas avoir remarqué que les faits, que les découvertes nombreuses et importantes dont il avait enrichi la science, n’étaient qu’une très-petite partie de ce qui restait encore caché dans la majesté de la nature, suivant la belle expression de Pline. M. Brewster nous a conservé les termes dans lesquels il exprimait son sentiment a ce sujet « Je ne sais pas, disait-il, ce que je parais au monde ; pour moi, je me compare à un jeune enfant jouant sur le bord de la mer, ramassant çà et là un caillou plus ou moins lisse, ou une coquille d’une beauté peu ordinaire, pendant que le grand Océan de vérité reste complétement caché à mes yeux. »

Quand il s’agissait de la comparaison de ses propres travaux et de ceux de ses émules, Newton ne se trompait pas ; il en parlait alors avec une noble confiance, témoin ce passage d’une de ses lettres à Halley : « Hooke n’a rien fait, et cependant il s’est exprimé comme s’il savait tout, et qu’il eut tout approfondi, excepté ce qui exigeait l’ennuyeux tracas des observations et des calculs, s’excusant de ce travail sur d’autres occupations importantes. Le tour n’est-il pas admirable ? De pauvres mathématiciens qui découvrent les vérités, qui les développent et les établissent, devront se contenter d’être considérés comme des calculateurs arides et de vrais manœuvres ; tandis qu’un autre qui ne fait rien que former des prétentions sur toutes choses, et s’accroche à tout ce qui se