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Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/574

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mauvaise grâce à la volonté d’un grand monarque, permettait à peine d’ensevelir dans le cimetière commun de la paroisse Saint-Joseph les restes inanimés d’un homme de génie. La permission était donnée à la condition (le mot condition n’est pas de moi) qu’il n’y aurait ni pompe dans la translation, ni service dans aucune église da Paris ; que tout, enfin, se passerait de nuit.

Voyez, Messieurs, le contraste : c’est en plein jour que les autorités municipales de la métropole, que les corporations savantes et littéraires, que les élèves des écoles publiques, que des citoyens de tous les âges se pressent devant la maison de Molière ; je puis même l’assurer hardiment, si un regret, si un seul regret se mêle aux marques de sympathie dont vous êtes témoins, c’est que l’espace, la saison, n’aient pas permis de donner à cette cérémonie, plus de pompe et de grandeur.

Combien il y a loin, Messieurs, de ce sentiment à celui qui, en 1673, cherchait à faire descendre les obsèques du vertueux philosophe au niveau de celles d’un vil malfaiteur !

Quand la simple dalle que les amis de Molière eussent été si heureux d’obtenir d’une tolérance intelligente, et qu’ils furent réduits à placer furtivement et de nuit, devient, cent soixante-onze ans après, un magnifique monument, dans le quartier le plus fréquenté de la capitale, on peut espérer que les esprits aveugles et rétifs sentiront le besoin d’être de leur siècle.

Désormais, ces colonnes, ces statues, proclameront aux yeux de tous que les préjugés sont tôt ou tard vaincus par la raison publique ; elles exciteront à regarder