Page:Archives parlementaires de 1787 à 1860, Première Série, Tome LII.djvu/81

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Le Président. Une compagnie de chasseurs, organisée en compagnie franche, demande à prêter serment devant l’Assemblée et à défiler dans son sein. Je consulte la Convention sur son admission.

Collot-d’Herbois. Je demande la parole pour une motion d’ordre.

Le Président. La parole est à M. Collot-d’Herbois.

Collot-d’Herbois. Vous venez de prendre une délibération sage ; mais il en est une grande, une salutaire, une indispensable ; il en est une que vous ne pouvez remettre à demain, que vous ne pouvez remettre à ce soir, que vous ne pouvez différer un seul instant, sans être infidèles au vœu de la nation ; c’est l’abolition de la royauté. (Applaudissements unanimes.) Je demande que la Convention nationale déclare que la base immuable de toutes ses opérations sera l’abolissement de la royauté. (Nouveaux applaudissements.)

Quinette. Il ne s’agit pas de faire des serments, il ne s’agit pas de faire des déclarations, ce n’est pas nous qui sommes juges de la royauté, c’est le peuple, et, si quelqu’un de nous osait encore proposer une telle institution, c’est nous que le peuple jugerait encore ! Cette déclaration ne signifierait absolument rien dans la naissance d’une société : déjà nous avons fait le serment de combattre jusqu’à la mort les rois et la royauté ; ce serment doit suffire. Nous n’avons la mission que de faire un gouvernement positif et le peuple optera ensuite entre l’ancien où se trouvait une royauté et celui que nous lui présenterons. Quant à moi, comme représentant du peuple français, je ne songe ni au roi ni à la royauté ; je m’occupe tout entier de ma mission, sans songer qu’une pareille institution ait jamais pu exister. Ce n’est donc pas la royauté que nous avons à juger, c’est Louis XVI, qui a été un instant sur le trône et qui a manque de faire périr la nation, la liberté et l’égalité ; c’est Louis XVI qu’il faut punir. Je pense donc qu’il est inutile de s’occuper en ce moment de la proposition du préopinant. (Murmures.)

Grégoire. Certes, personne de nous ne proposera jamais de conserver en France la race funeste des rois ; nous savons trop bien que toutes les dynasties n’ont jamais été que des races dévorantes qui ne vivaient que du sang des peuples ; mais il faut pleinement rassurer les amis de la liberté ; il faut détruire ce mot de roi, qui est encore un talisman dont la force magique serait propre à stupéfier bien des hommes. Je demande donc que, par une loi solennelle, vous consacriez l’abolition de la royauté.

Le Président veut mettre la proposition aux voix.

(Tous les membres de l’Assemblée se lèvent par un mouvement spontané ; et, par des acclamations unanimes, ils protestent leur haine contre une forme de gouvernement qui a causé tant de maux à la patrie.)

Basire. Je demande à faire une motion d’ordre. L’Assemblée vient de manifester, par l’unanimité de ses acclamations, sa haine profonde pour les rois. On ne peut qu’applaudir à ce sentiment si concordant avec celui de l’universalité du peuple français ; mais il serait d’un exemple effrayant pour le peuple de voir une Assemblée de philosophes, chargée de ses plus chers