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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/113

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trait de sa lettre à ce sujet[1]. Il accusait réception de dix-sept dépêches de Don Garcia :

Sa Majesté, dit-il, a daigné approuver toutes les mesures prises par votre seigneurie, parce qu’elles se trouvent conformes à la situation et aux circonstances où se trouve cette île, aux ordres qui vous ont été donnés par ce ministère et à la bonne harmonie qui existait alors entre cette cour et celle de France, en vertu des conventions et traités qui étaient en vigueur. Mais, comme la nation française, oubliant les devoirs les plus sacrés et abandonnée avec fureur à ses caprices et à ses passions, a foulé aux pieds tout d’un coup, non-seulement le respect dû à cette couronne, mais encore à toutes les couronnes d’Europe, en exécutant sur l’auguste personne de son légitime souverain l’attentat aussi atroce qu’horrible, dont la connaissance est bien notoire ; S. M. veut qu’en même temps qu’au reçu de là présente dépêche, la guerre sera probablement déclarée à cette nation, V. S. emploie avec la plus grande promptitude, efficacité et dissimulation, les moyens nécessaires et propres à gagner et allier à notre parti, celui des brigands, nègres et mulâtres, de même que celui des royalistes mécontens du nouveau gouvernement établi par la nation française… À cette fin, il conviendra de gagner Jean-François, Hyacinthe et les autres chefs alliés des noirs, pour combattre les troupes et les habitans de la partie française attachés à la nouvelle constitution, jusqu’à obtenir sa parfaite conquête et sa réunion à notre couronne : à cet effet, vous leur accorderez les secours nécessaires, en leur promettant la protection royale de S. M., en assurant aux uns comme aux autres, aux nègres comme aux mulâtres, au nom de S. M. dès à présent et pour toujours, libertés, exemptions, jouissances et prérogatives comme à ses propres sujets ; et à eux tous, des établissements avantageux dans les terres et possessions de la partie française ou dans la partie espagnole… Pour obtenir que les royalistes, les nègres et les mulâtres soient instruits de ces dispositions, il sera nécessaire que V. S. se serve d’émissaires fidèles et discrets qui puissent, avec ruse et réserve, les leur en faire, part, de manière qu’ils arrivent à mettre à exécution le plan projeté, avant qu’on puisse se préparer à y résister. En cela, le très-révérend archevêque pourra y contribuer par lui-même et par quelques ecclésiastiques discrets et zélés, qui enflammeront l’âme de ceux qui voudraient embrasser notre parti, par des exhortations opportunes et l’espérance d’un meilleur sort. Je préviens ce prélat de ces dispositions. Il ne serait pas non plus désavantageux d’employer

  1. Lettre trouvée par nous dans les archives de Santo-Domingo.