Aller au contenu

Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Trou était Etienne-Elie Gérin, dont la destinée fut de fournir une carrière plus longue que celle de son chef. Né au Port-au-Prince, marin de profession, il s’était établi avant la révolution dans un des cantons des Baradères. Brave, valeureux et intrépide, il a obtenu ensuite tous ses grades militaires par des services signalés rendus à son pays ; mais il ne possédait pas les talens nécessaires à celui qui se croit appelé à diriger les hommes, quoiqu’il possédât cette prétention à un haut degré.


L’armée, sous les ordres de Rigaud, était forte de 1.200 hommes de toutes couleurs. Il voulait que Gérin conduisît le contingent du Petit-Trou ; mais Jourdain réclama l’honneur de marcher à la tête de sa troupe. Jourdain fut donc son premier lieutenant, et Ignace le second.

Cette armée et la délégation se portèrent tout près du camp Desrivaux, par la route du Désert. La délégation adressa une lettre aux blancs qui s’y étaient renfermés,

    de ce révolutionnaire. Lors des persécutions exercées contre lui et ses frères, à propos du serment de respect aux blancs, M. de Kermelaire, procureur du roi au Petit-Trou, s’était montré violent contre lui : il avait dirigé des perquisitions pour l’arrêter, et avait fait tirer sur le fils de Jourdain qui s’était tapi sous un lit, à la vue des hommes de la maréchaussée. Quoique cet enfant n’eût pas été blessé, le père avait conservé au fond du cœur le ressentiment de cette action atroce. En prenant les armes, à la fin d’août 1791, il envahit le bourg du Petit-Trou avec sa troupe et fît respecter les autorités et tous les particuliers ; mais il se porta devant la demeure de M. de Kermelaire : c’était au milieu de la nuit. Le procureur du roi, homme de cœur aussi, entendant le bruit des armes de la troupe, croit qu’on vient pour l’assassiner. Jourdain frappe à sa porte et lui crie : Ouvrez ! M. de Kermelaire dit alors : Lâches assassins, qu’un seul de vous s’avance ! Jourdain lui fait savoir alors que c’est à lui seul qu’il aura affaire. Son adversaire allume des bougies et prend son épée. Il dit à Jourdain : Entrez ! Jourdain enfonce la porte et pénètre dans l’appartement. Armés tous deux de leur épée, ils croisent le fer : le sort favorise Jourdain, qui tue son ennemi. Il sort ensuite et dit à sa troupe ; Je me suis vengé !