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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/244

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rent, dit-on, de l’illustre girondin, Vergniaud, que les commissaires civils avaient nommé sénéchal du Cap, voyant l’hésitation de ces commissaires à adopter la mesure de la liberté générale, conçoit le projet de la demander en se mettant à la tête de tous les noirs du Cap, sans armes, pour présenter une pétition à cet effet. Le 13 et le 15 août il adressa des lettres à Sonthonax, pour l’avertirde son projet et obtenir son assentiment.

« L’arbre de la liberté, dit-il, fut planté à Paris le 14 juillet 1789, et tous les Français furent libres. Il fut planté au Cap le 14 juillet dernier, et nous sommes encore dans l’esclavage !… Ne sommes-nous pas des hommes ? Au nom de l’humanité, cessez de lutter contre vos principes ; ne vous laissez pas aller aux insinuations perfides de quelques officiers de l’ancien régime, liberticides par habitude, et par là même vos ennemis[1]… Dites un mot, Saint-Domingue est heureux et libre… »

Quelques jours après, la commune du Cap, suivant les inspirations de son sénéchal et autorisée par la municipalité, s’assemble et rédige une pétition que signent 842 citoyens :

« Nous réclamons des droits, disent-ils, que toutes les puissances divines et humaines ne peuvent nous refuser, des droits que la nature elle-même nous a concédés, les droits de l’homme, liberté, sûreté, propriété, résistance à l’oppression. La France les a garantis à tous les hommes. Ne sommes-nous pas des hommes ? Eh ! quelle loi barbare a donné à des Européens le droit de

  1. Vergniaud faisait allusion à Laveaux qui s’était brouillé avec lui et qui lui a gardé une rancune indigne de son courage militaire : nous en trouvons la preuve dans le compte-rendu de Laveaux. Ce sentiment de haine qu’il y manifeste contre Vergniaud, explique la haine qu’il porta aussi aux hommes de couleur en général.