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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 2.djvu/451

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Peu de temps auparavant, un brig avait été expédié des Cayes pour Jacmel, afin d’en rapporter de la farine dont on avait besoin. Le brig, capturé par une frégate anglaise, fut envoyé à la Jamaïque avec son équipage et soixante-dix hommes de la légion de l’Égalité du Sud, sous les ordres du capitaine Jean Cécile et de ses lieutenans Linstant et Quénez. Ces prisonniers étaient des blancs, des nègres et des mulâtres. Le gouverneur Adam Williamson fit mettre les premiers sur les pontons anglais, et les derniers furent emprisonnés la chaîne au cou, à l’exception des trois officiers qui eurent les pieds aux fers. Ce gouverneur permit aux colons de Saint-Domingue, habitant la Jamaïque, de les accabler d’injures ; ensuite, il fit conduire les trois officiers sur une des places de la ville de Kingston, où les soixante-dix soldats nègres et mulâtres furent vendus, en leur présence, pour être transportés, par des acheteurs espagnols, aux mines de la Nouvelle-Grenade : ils y périrent presque tous. Peu de temps après, les trois officiers furent échangés contre des officiers anglais, du vaisseau le Switchoold, qui fit naufrage sur les îlots de la Folle, près des Cayes ; ces officiers et quatre cents matelots blancs avaient été recueillis par Bonnet, officier employé près de Rigaud. Ceux-ci ne furent point maltraités.

En violant ainsi, par la vente des soixante-dix soldats prisonniers de guerre, le droit des gens qui lui prescrivait de respecter en eux l’infortune que la guerre amène si souvent, Adam Williamson s’est voué lui-même à l’infamie dont nous chargeons sa mémoire, au nom de la postérité. Une telle action de la part de cet Anglais ne saurait rejaillir sur sa nation ; car ses lois ne l’y autorisaient pas.