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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/31

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ce même mois de novembre 1791 où les suisses avaient été sacrifiés, lui, T. Louverture, agissait de concert avec Jean François et Biassou, pour replacer les noirs insurgés au Nord dans l’esclavage, sous la verge des colons. Bauvais eût peut-être péri, dans l’église même, en prononçant de telles paroles ; mais du moins il se fût honoré aux yeux de l’histoire et de la postérité. Une telle protestation de sa part eût été une gloire pour lui, pour sa mémoire. Et qui sait si son audace n’eût pas fait reculer l’audace de T. Louverture à ordonner sa mort à l’instant même ?

Il n’avait pas apostrophé le général en chef à l’église ; il perdit l’occasion que lui offraient la raison, la politique et ses anciens services dans la cause de la liberté générale des noirs ; car il avait concouru à assurer l’émancipation de 144 noirs dans l’Ouest, en 1792, sous l’autorité de Roume, alors commissaire civil ; car il avait, comme Rigaud et d’autres de ses frères, accepté franchement la liberté générale prononcée par Polvérel et Sonthonax. Sa harangue au palais ne produisit aucun effet, ni sur l’esprit des noirs, ni sur celui des hommes de couleur.

Cependant, Bauvais pouvait encore être redoutable à T. Louverture, si, retiré à Jacmel, il se fût prononcé en faveur de Rigaud. Il avait sous ses ordres cette belle et fameuse légion de l’Ouest, aguerrie, disciplinée, bien commandée par des officiers d’une grande valeur. En ce moment, le général en chef n’avait pas beaucoup de troupes au Port-au-Prince. Bauvais, en se joignant à Rigaud, pouvait avec lui s’emparer de Léogane et du Port-au-Prince. T. Louverture, tout en lançant l’anathème contre les hommes de couleur, n’ignorait pas que tous les noirs anciens libres qui faisaient partie de cette classe