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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/37

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quarante hommes de couleur dans les montagnes de Jaemel, comme une sorte de compensation à l’asphyxie des trente prisonniers à Jérémie.

Le 20 avril, quelques jours après sa lettre, Rigaud lui répondit qu’il s’était convaincu sur les lieux, qu’il n’y avait eu aucune méchanceté de la part des autorités ; que la mort de ces prisonniers était un de ces événemens qu’aucune prudence humaine ne pouvait prévoir.

« Pourquoi faut-il, dit-il en terminant, que les ennemis les plus perfides aient aujourd’hui la faculté d’irriter frères contre frères, amis contre amis ? Jusques à quand la défiance portera-t-elle les uns à soupçonner les autres et à détruire l’union et l’accord si nécessaires à notre bonheur et à la prospérité du pays ?… Je gémis en secret du mal qu’on me veut ainsi qu’à mes frères, les hommes de couleur ; mais je ne changerai pas pour cela, et vous me verrez toujours le même, soit à la tête d’une armée, soit au sein de ma famille, aimant la liberté, chérissant l’égalité, bravant les calomniateurs, méprisant les intrigans et respectant tout homme de bien. C’est vous dire, citoyen général, que je vous respecte, et que je vous donnerai dans tous les temps, les preuves de mon sincère et respectueux attachement [1]. »

Rigaud n’avait-il pas raison de parler ainsi au général en chef ? Qui donc étaient les artisans de la mésintelligence, de la défiance entre les enfans de la race noire, si ce ne sont les colons qui voulurent toujours leur asservissement ; les émigrés qui étaient accueillis et qui étaient venus se joindre aux Anglais pour les aider au rétablissement de l’esclavage ; et le gouvernement français lui-

  1. Vie de Toussaint Louverture par M. Saint-Rémy, p. 227.