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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/422

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enveloppés par l’ascendant et l’autorité de T. Louverture. À son approche et à sa voix, ils rentrèrent effrayés dans le devoir. Ils déclarèrent qu’on les avait poussés à la révolte, en leur disant qu’ils allaient de nouveau être les esclaves des blancs, et en les assurant que les généraux Dessalines et Christophe y avaient consenti, mais que le général Moïse s’y était refusé. T. Louverture, qui était étranger à cet événement, comprit la juste défiance qu’il pouvait donner contre sa couleur (contre les noirs) dans un moment où la paix allait rendre à la métropole de nouveaux moyens de force et de puissance. Il n’hésita point à accueillir les accusations qui signalaient son neveu comme le chef d’un mouvement dont sa haine pour les blancs était bien capable, — mais qui ne dérivait au fond que d’un esprit de révolte contre le travail [1] »

Voilà deux versions certainement bien différentes, et indiquant la cause de cette révolte d’une manière à jeter le doute dans l’esprit du lecteur. Sur quoi se sont fondés les deux narrateurs ? Sur des traditions orales, l’un à trois mois d’intervalle, l’autre à plus de quarante ans après l’événement. Lequel mérite plus de créance ? Nous n’hésitons pas à dire que c’est Pamphile de Lacroix.

En effet, T. Louverture ne pouvait que nourrir un secret mécontentement contre Moïse, depuis qu’il avait manifesté des opinions contraires à ses procédés à l’égard de Rigaud ; il avait saisi l’instant de la révolte du Môle pour l’éloigner du théâtre de la guerre civile, et donner le commandement supérieur à Dessalines ; après le succès de cette guerre, il avait élevé ce dernier au grade de général de division, en laissant Moïse à celui de général de bri-

  1. Mémoires, etc. ; tome 2, p. 49 et 50.