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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 4.djvu/72

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tions de famille, des liens du sang qui l’unissaient à leur sort. L’abbé Maury avait prévu ce résultat, quand il conseillait à l’assemblée constituante de conserver les prérogatives de la puissance politique du côté des blancs, quand il disait que les hommes de couleur, noirs et jaunes anciens libres, deviendraient les maîtres, les rois des colonies. On réagissait contre eux par ces considérations. En 1799, Rigaud était visiblement le chef de ce parti politique ; et à l’égard des nouveaux émancipés, il n’était pas moins un patron recommandable, par l’influence qu’il avait exercée sur leur liberté ; car il avait été le premier à en affranchir plusieurs centaines dans le Sud. Sous ce rapport, il avait donc un devoir tout politique, tout moral, à remplir envers tous les hommes de la race noire.

Qu’on ne vienne pas nous dire que T. Louverture, jadis esclave, était bien mieux placé que Rigaud, à défendre ses frères qui avaient été dans la même condition que lui, qu’il avait naturellement plus d’affection pour eux que Rigaud lui-même. Oui, il semble que cela aurait dû être ainsi ; mais les faits imputables à T. Louverture prouvaient le contraire : car, tandis que Rigaud combattait pour la liberté générale, son adversaire agissait pour le rétablissement de l’esclavage. Tout récemment encore, en 1798, avant et après le règlement de culture d’Hédouville, il avait émis deux autres règlemens qui ordonnaient des contraintes contre les anciens esclaves. Mais les faits qui ont suivi ses succès dans la guerre civile, le régime qu’il a établi à leur égard, ont prouvé que ses sentimens pour eux n’étaient pas ceux d’un protecteur bienveillant. Que le lecteur veuille bien attendre cette époque pour se convaincre de nos assertions, par les actes que nous produirons.