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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/154

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la cupidité et à l’avarice des premiers usurpateurs de cette île, saisiraient avec avidité la précieuse occasion de sacrifier aux mânes de leurs ancêtres ; mais cette espèce d’hommes avilis et dégradés, préférant aux douceurs d’une vie libre et indépendante, des maîtres qui les tyrannisent, fit cause commune avec les Français. C’était partager les crimes de ces derniers que de s’associer à leurs travaux liberticides : tout espagnol pris les armes à la main vit donc couler son sang dans celui de ces étrangers perfides…

Il vous reste au moins la consolation de penser que la ville de Santo-Domingo, seul endroit qui survive au désastre de la dévastation que j’ai propagée au loin dans la partie ci-devant espagnole, ne peut plus longtemps servir de refuge à nos ennemis, ni d’instrument à leurs projets. Il est une vérité bien constante : point de campagnes, point de cités. Il découle de ce principe, que tout dans le dehors ayant été la proie du fer et de la flamme, le reste des habitans et des animaux, enlevé et conduit dans notre partie, l’avantage que l’ennemi se proposait de retirer de ce point de mire, devient sinon nul, du moins insignifiant : considération puissante qui ajoute aux autres fruits que nous avons recueillis de cette expédition… Au premier coup de canon d’alarme, que le sol d’Haïti n’offre à leurs regards avides que des cendres, du fer et des soldats.

Cette dernière idée devint bientôt l’une des dispositions de la loi constitutionnelle de l’empire, et c’est ce qu’il y eut de mieux dans cette proclamation[1].

Puisque l’empereur considérait l’ancienne colonie espagnole comme une portion intégrante de ses États, son secrétaire eut tort de qualifier ses habitans d’Espagnols ; il aurait dû les considérer comme Haïtiens, à cause même du nom primitif de l’île qui lui avait été restitué, et parce que l’île entière avait appartenu à la France, et qu’en proclamant l’indépendance, c’était dans la pensée de

  1. C’est J. Chanlatte qui la rédigea : les faits qui se passèrent dans cette campagne ne lui permirent pas, sans doute, de donner à Dessalines un autre langage.