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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/171

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Telle fut la constitution impériale de 1805, dont les dispositions tutélaires ne pouvaient être un frein pour la volonté de l’empereur. Autant valait-il ne pas la faire, dans son intérêt même ; car, quant au peuple, quant aux généraux, « ces organes fidèles et ces interprètes de sa volonté, » ils tirèrent parti de cet acte contre l’empereur, lorsque des circonstances survinrent qui leur prouvèrent qu’il devait cesser de régner, de dominer. On ne crée pas, ou plutôt on ne reconnaît pas impunément des droits aux hommes, pour les fouler ensuite aux pieds : le peuple haïtien l’avait déjà prouvé à la France.

J. Chanlatte et B. Tonnerre avaient la tête trop meublée des idées et des formules révolutionnaires de ce pays, pour ne pas imiter une de ces dernières à la suite de la constitution impériale. Voici celle qui y fut écrite :


« Nous, Mandataires soussignés,

« Mettons sous la sauvegarde des magistrats, des pères et mères de famille, des citoyens et de l’armée, le pacte explicite et solennel des droits sacrés de l’homme et des devoirs du citoyen.

« Le recommandons à nos neveux et en faisons hommage aux amis de la liberté, aux philantropes de tous les pays, comme un gage signalé de la bonté divine qui, par suite de ses décrets immortels, nous a procuré l’occasion de briser nos fers et de nous constituer en peuple libre, civilisé et indépendant[1].

  1. Pour ne pas dire — peuple libre, souverain et indépendant, — on mit civilisé, parce que le peuple était censé avoir abdiqué sa souveraineté, en élisant l’empereur : fiction politique dont se font illusion bien des chefs d’Etat, jusqu’au jour où la Nation leur lance la foudre.