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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 6.djvu/226

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tillerie Lys, ami particulier de Pétion dont il avait été le lieutenant quand ce dernier commandait une compagnie de cette arme, ayant dit à l’orchestre de jouer la valse qu’il aimait beaucoup, cette danse fut jouée aussitôt. Lys et d’autres cavaliers commençaient déjà, lorsque Germain ordonna de jouer le menuet qu’il aimait aussi avec passion. Fort de sa priorité, Lys insista pour que la valse fût continuée, tandis que le commandant de l’arrondissement, colonel, exigeait le menuet. Un vacarme épouvantable s’ensuivit, durant lequel Pétion se borna à sourire malicieusement, bien certain que son ancien lieutenant ne céderait pas. Le bal se termina ainsi, presque à son début.

Il en était à peu près de même dans la salle de spectacle du Port-au-Prince, où des amateurs avaient fait revivre la scène : ils y jouaient des comédies, des drames, même des tragédies, notamment celle de la mort de César, par Voltaire. C’étaient Bonnet, Lys, Lavelanet et d’autres qui s’amusaient ainsi pour récréer la population de cette ville[1]. Pétion n’y manquait jamais, de même que les autres autorités, le colonel Germain surtout qui y allait, coiffé d’un bonnet à poil d’ours sur lequel était tracée cette légende : Haïti, tombeau des Français[2], sans doute par opposition avec le nom que le colon Wiet avait donné à sa position retranchée où il perdit la vie. Eh bien ! on remarquait souvent, que lorsque les spectateurs applaudissaient un acteur qui ne lui plaisait pas, Lys surtout, le colonel Germain leur ordonnait de cesser, afin, disait-il, de ne pas troubler le spectacle.

  1. Dans la tragédie de la mort de César, Bonnet remplissait le rôle de Cassius, et Lys, celui de Brutus. Cette observation servira à expliquer une anecdote qui sera produite plus tard.
  2. Hist. d’Haïti, t. 3, p. 182.