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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/164

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exprimer ses regrets de la détermination prise par Gérin. Mais sa démission avait produit une sensation marquée sur ceux des sénateurs qui n’approuvaient pas le système politique de Pétion. Ils n’avaient point hésité à accepter la démission de ce général, comme sénateur ; ils eussent voulu ou désiré que le Président d’Haïti hésitât à accepter celle de commandant du département du Sud. Mais, pouvait-il, devait-il agir ainsi, après l’abstention affectée de Gérin à venir le voir, après son opposition constante depuis 18 mois ? Dans la lettre de ce général, on voit qu’en se retirant volontairement de son commandement, il se posait en quelque sorte devant la postérité, par l’énumération de ses services à partir de la prise d’armes contre Dessalines : c’est donc à la postérité de le juger en cette occasion.

Quels que fussent ses éminens services rendus au pays, pouvait-il effacer ceux que Pétion lui avait rendus aussi ? Et de ce que celui-ci avait été préféré pour gouverner l’État, s’ensuit-il qu’il devait en être jaloux et envieux, au point de déserter son poste sous des prétextes spécieux ? La patrie était leur mère commune ; ils la servaient tous deux, avec des vues politiques différentes, il est vrai ; mais si Gérin avait eu un autre caractère et plus déraison dans l’esprit, il eût pu n’écouter que son cœur qui était attaché à son pays, et continuer à le servir.

Au reste, ne pouvant maîtriser ses passions, mieux valait qu’il se démît de ses deux fonctions, sénatoriales et politiques, que d’y rester pour continuer sa bouderie importune. Il avait été fâché de l’inspection que Bazelais, chef de l’état-major général, fit au camp du Boucassin par ordre de Pétion ; maintenant il se fâchait de ce que celui-ci allât parcourir le Sud pendant qu’il y était.