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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/183

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taires que des erreurs ; mais prévoyant les funestes conséquences qui pourront naître de l’éloignement des deux pouvoirs, des fausses interprétations données à la constitution, ses membres viennent aujourd’hui pour en redresser tous les articles qui ont souffert, et mettre chacun dans ses attributions.

La constitution n’a point été mesurée au caractère de tel ou tel individu ; elle a été faite à la mesure des principes ; elle est calculée de manière à couvrir la liberté publique ; et si les attributions données au pouvoir exécutif ne sont pas plus extensives, il doit vous en souvenir, Président d’Haïti, vous les avez vous-même restreintes par vos observations judicieuses. Et en admirant les principes qui vous ont toujours caractérisé, — principes qui ont décidé le sénat à vous placer à la tête du gouvernement, — ses membres ne pourront jamais trop déplorer l’instant et le motif qui ont fait naître une tiédeur entre les deux pouvoirs de la République, qui sont liés à la constitution par un serment solennel ; ils ne cesseront de gémir sur la lutte que le gouvernement a établie entre le corps législatif et des administrateurs infidèles ;[1] sur la protection ouverte accordée aux vautours qui ont dévoré les deniers provenant des contributions établies par la loi sur les citoyens ; sur celle accordée aux conspirateurs qui voulaient plonger la patrie dans un fleuve de sang. Non, citoyen président, ce système d’administration est trop contraire à la sûreté de la République, pour y persévérer. Il est dû six mois de solde aux troupes, et bientôt le gouvernement ne saura où prendre une gourde pour aider aux dépenses que nécessite une guerre légitime, mais ruineuse ; nos caisses appauvries détruisent toute espérance, tandis que les concussionnaires sont assis sur un piédestal élevé par la timide indigence.

Voilà, Président d’Haïti, le tableau que le corps législatif avait à mettre sous les yeux du gouvernement : ne nous faisons point illusion, nos finances sont dans un état inquiétant.

La misère publique aussi bien que l’armée, doivent fixer toute l’attention du gouvernement. Les maux qui menacent la patrie ne sont point sans remède, mais le sénat ne veut rien entreprendre sans connaître l’arrière-pensée du chef du gouvernement. Et si, par une fatalité inconcevable, la situation de la République ne devait point changer, plutôt que de s’associer aux malheurs à venir, le sé-

  1. Allusion à l’affaire de Pitre aîné.