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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/188

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ses mains, à garder à toujours la dictature : l’effet devait cesser avec sa cause.

Ensuite, quel usage Pétion avait-il donc fait de sa dictature passagère, provisoire ? Avait-il opprimé ses concitoyens, détruit les libertés publiques ?[1] Sa seule influence sur l’armée l’avait retenue dans la fidélité, lorsque les généraux Yayou et Magloire Ambroise conspirèrent ; cette influence empêchait encore que Gérin, toujours mécontent de lui et même du sénat, n’entreprît rien contre la paix publique. Et le sénat prétendait dans ses Remontrances que « la République n’avait existé, pendant un moment, qu’en Bonnet et David-Troy ; que s’ils eussent succombé (à Jacmel) c’en était fait de la patrie ! » Il prétendait une telle chose, s’adressant à Pétion ! C’était propre à le faire sourire.

Le sénat disait encore « qu’il restait dans la plus profonde ignorance » de ces deux conspirations ; cependant, il en avait parlé publiquement dans son adresse au peuple ! Il reprochait à Pétion d’avoir fait juger et punir les complices de Yayou, et de laisser impunis ceux de Magloire Ambroise, notamment Michel ; mais n’était-ce pas assez, trop déjà, du déplorable et criminel assassinat commis au Cabaret-Carde ? L’arrêté du sénat, du 27 février 1807, avait établi une commission militaire permanente à Jacmel : pourquoi le commandant de cet arrondissement, le général Bonnet, sénateur, n’avait-il pas jugerles victimes qui ont péri en route, même les contumax qui s’étaient enfuis et cachés ? S’il avait fait son devoir, Michel n’eût pu « marcher à front dé-

  1. Dans son adresse du 7 janvier, le sénat avait dit de Pétion : « La liberté et le bonheur du peuple se sont consolidés par les mesures qu’il a employées pour y parvenir. » Et cela, pendant l’ajournement où il agissait seul, sans le concours du sénat.