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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/446

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indivisibilité. Peut-être Delva se méprit-il sur les motifs du président en ce moment, qu’il crut que ce dernier était satisfait de la véhémence de ses paroles à Rigaud ; et qu’alors que les derniers actes du Sud avaient excité la colère de Pétion, le président devait le distinguer entre ses généraux de brigade et l’élever au grade supérieur, ou au moins lui donner le brillant commandement de l’arrondissement du Port-au-Prince, vacant depuis la fuite de Lys. Si tel a été son espoir, le voyant déçu, il aura alors aspiré à quelque chose de mieux.

Il ne faut pas omettre non plus, dans nos conjectures, l’influence de l’idée généralement conçue, que Pétion préparait Boyer à le remplacer au pouvoir : idée qui occasionna les fautes politiques de Bonnet et de Lys, et Delva a pu la partager. Or, tous les hommes remarquables de cette époque avaient une opinion peu favorable de Boyer, sous le rapport militaire surtout qui dominait toutes les questions[1]. En le considérant comme un favori du président, qui paraissait avoir tant de faiblesse pour lui, à raison de ce qu’il eut le tort de souffrir de sa part dans sa maison, — nous osons l’en blâmer encore, parce que c’était une chose contraire aux bonnes mœurs, — ces hommes qui se croyaient plus de mérite que Boyer, se montraient impatiens ; car ils avaient aussi leur ambition, si Boyer ne cachait pas la sienne. Sous tous les gouvernemens, le rôle de favori est toujours dangereux ; il excite le mécontentement, la jalousie contre celui qui

  1. Bien des fois, j’ai entendu exprimer cette opinion à l’égard de Boyer ; il ne l’ignorait pas lui-même : de là les malheureuses divisions entre lui et ses adversaires, qui influèrent sur les affaires du pays. L’histoire ne doit pas négliger l’appréciation des petites causes, qui produisent souvent de grands effets. On a dit d’ailleurs qu’étant en prison, Delva était surtout animé contre Boyer, probablement parce que ce dernier avait crié de l’arrêter le 23 août ou pour autres motifs que nous ignorons.