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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/472

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Or, l’opposition du temps imputa à Pétion, d’avoir suggéré à Sir J. L. Yeo, l’idée d’aller capturer la frégate l’Améthyste et même les deux autres navires, afin que les scissionnaires du Sud ne fussent pas en possession d’une marine qui eût pu nuire à l’Ouest, puisque le conseil départemental avait persisté dans la séparation. C’est une imputation que l’histoire ne peut ni admettre ni réfuter, mais transcrire dans ses pages, comme tant d’autres accusations portées contre ce chef[1].

Nous ferons seulement remarquer, que les Anglais se montrèrent toujours plus favorables à Christophe qu’à Pétion ; qu’ils lui procurèrent la frégate l’Améthyste, de la Jamaïque, dans le temps où ils ne fournirent à Pétion que deux brigs ; qu’ils étaient des ennemis irréconciliables de Rigaud, et du Sud qui partageait ses idées politiques. Rigaud n’était plus, mais son système prévalait encore dans ce département, et l’on sait que les autorités de la Jamaïque, qui l’avaient dénoncé à Pétion comme un agent secret de la France, ne le reconnurent point en qualité de général en chef indépendant de Pétion. Alors, n’est-il pas possible, même probable, que, sans aucune suggestion et pour donner une nouvelle preuve à Christophe, de l’intérêt que la Grande-Bretagne prenait à son système gouvernemental, Sir J. L. Yeo aura jugé lui-même convenable de s’emparer de la frégate haïtienne, soit pour la rendre au « Premier Monarque couronné du Nouveau-Monde, » soit pour en priver le Sud, selon que le décideraient les autorités de la Jamaïque dont-il relevait[2] ?

  1. Dans ses Mémoires de 1843, B. Inginac avoue que Sir J.-L. Yeo avait été vu chez lui, quelques jours avant de quitter le Port-au-Prince, et que l’opposition l’accusa plus principalement d’avoir été l’auteur de la capture de la frégate l’Améthyste ; mais il s’en défend.
  2. On verra dans ce chapitre, une proclamation de Christophe, expliquant les motifs de la capture de sa frégate.