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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/48

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Croit-on que les cultivateurs de nos campagnes ne savaient pas faire la différence entre 70 gourdes, et 37 gourdes 50 centimes que leur accordaient les lois du 9 mars et du 21 avril ? Et puis, cette idée, ce fait d’égalité résultant du partage égal, qui les relevait à leurs propres yeux en leur démontrant, par le bien-être, par le profit, qu’ils étaient de vrais citoyens aux yeux du chef de l’État, qui avait commencé son système de moitié sur ses propres habitations ! Il n’y avait pas de loi qui pût être encore exécutée contrairement à l’exemple qu’il avait tracé. « Président dit ça : ce comme ça li faire la caze li. [1] » Voilà la loi !

Alors, se peut-il que l’on s’étonne de l’immense influence qu’exerça Pétion sur les masses, sur tous ses concitoyens ? Que sera-ce donc quand il aura distribué les propriétés des anciens colons, à tons sans distinction, quand un cultivateur, émancipé en 1793, aura eu à la main le titre de concession gratuite, nationale, qui le rendit propriétaire d’une portion de ces terres que, sous l’infernal régime colonial, il avait arrosé de ses sueurs et de son sang !

Néanmoins, avant d’arriver à cet état de choses, nous devons dire quel fut le premier résultat produit par le système de moitié.

D’après celui de la loi sur la police des campagnes, il était entendu que les cultivateurs dussent continuer à travailler en atelier, comme anciennement, à tous les genres de culture ; et elle prescrivait alors, pour constater leur présence aux champs, la délivrance à chacun d’eux de cartes de journée qui étaient remplacées le samedi soir par des cartes de semaine ; celles-ci devaient être inscrites sur un registre, par le propriétaire, le fermier, ou leur

  1. « Le président l’a dit : c’est ainsi qu’il agit sur ses habitations. »