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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 7.djvu/66

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fureurs qui ne se calmaient souvent qu’à la vue du sang, et qui l’ont réduit à s’ôter la vie en 1820, pour ne pas tomber en la puissance populaire, son gouvernement restera un modèle d’ordre et de forte organisation.  »

Nous applaudissons à ce tableau qui représente fidèlement le gouvernement de Christophe, de 1807 à 1820 ; mais nous ne saurions, ainsi que M. Madiou, « faire abstraction de ses fureurs » pour offrir en quelque sorte un tel gouvernement, comme « un modèle d’ordre et de forte organisation » que l’on pourrait imiter. Selon nous l’ordre existe dans un pays, quand le gouvernement pose les limites de son pouvoir qu’il observe ensuite, quand il proclame des lois pour servir de règles à chacun dans sa sphère d’activité et garantir l’exercice des droits de la société, et qu’il oblige à les observer, à son exemple. Mais, lorsqu’il est le premier à enfreindre les unes et les autres, qu’il ne suit que « sa volonté et ses caprices, » qu’il agit enfin comme on le dit dans ce tableau, il n’y a point d’ordre dans un tel pays, sous un gouvernement aussi affreux. Il n’y a pas non plus d’organisation, puisque celle-ci n’est que le résultat de l’ordre établi et suivi, d’après la règle et les lois qui obligent autant le gouvernement que les particuliers. Or, si le despote, le tyran sanguinaire ne suit que les inspirations de sa volonté et de ses caprices, lui-même ne peut savoir ce qu’il voudra d’un jour à l’autre, d’une heure, d’une minute à l’autre. Si l’on peut appeler ordre et organisation un tel état de choses, ce sont ceux de la terreur ; mais ce ne sera jamais un modèle à louer, à recommander. Tout autre chef, ayant seulement du bon sens, ne voudra pas l’imiter pour être réduit ensuite à se suicider, afin de ne pas tom-