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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/208

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En théorie, cela paraît assez clair, parce qu’il est à présumer que deux d’entre eux étant d’accord, le troisième doit leur céder. Mais dans la pratique, il peut arriver aussi qu’un seul l’emporte sur les deux autres. Dans l’un ou l’autre cas, si la raison domine, le pays en profite : si c’est la passion qui agit, au contraire, alors il y a trouble, agitation funeste. Ainsi, la théorie peut être souvent en défaut, malgré toute l’apparence judicieuse de son raisonnement.

Quelle avait été la cause essentielle de la lutte entre les anciens sénateurs et Pétion ? Le dissentiment survenu entre eux sur la direction qu’il fallait donner à la marche des affaires publiques, tout d’abord par rapport au système agricole, aux finances, puis à la manière de conduire la guerre civile. Nous croyons l’avoir prouvé dans notre précédent volume.

Les sénateurs partageaient, à l’égard de la guerre, l’opinion commune, générale, à laquelle Pétion résistait, quoique en principe le pouvoir exécutif doive la suivre : de là ces tiraillemens incessans depuis 1807, qui aboutirent à l’ajournement du sénat et ensuite à la scission du Sud.

Dans cette lutte, c’était une question d’influence entre les deux pouvoirs. Contrariés dans leurs vues, sans doute patriotiques, les sénateurs dissidens se prévalurent des dispositions de la constitution pour prétendre à diriger les affaires. Mais Pétion, tenant à sa manière de voir les choses du pays, à cette époque, voulut,

    que ce fut lui, le premier, qui émit la pensée de la création de la Chambre des représentans, afin de pondérer le pouvoir du Président d’Haïti et du Sénat ; et il ajoute que l’exemple de ce qui se passe en Angleterre surtout exerça de l’influence sur son esprit. Il était naturel aussi que Pétion et les collaborateurs d’Inginac dans la commission fussent influencés par les mêmes considérations.