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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/351

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mis d’obtenir ; parce qu’enfin, son génie comprit parfaitement les aspirations diverses nées dans son pays par la révolution, à laquelle il fut toujours fidèle. Aussi a-t-il garanti, fixé les destinées d’Haïti[1]. Et son dévouement ne l’a pas servie seule ; il a été utile encore à la cause de la race noire tout entière, en prouvant qu’elle peut se gouverner par elle-même, respecter les droits des autres hommes, parvenir à tous les avantages de la civilisation. Pétion a eu constamment cette grande cause en vue, en s’affranchissant de tout esprit d’égoïsme par rapport à son pays ; car, en même temps qu’il y rappelait tous les hommes de cette race qui se trouvaient en Europe, par suite de divers événemens, qu’il accueillait avec générosité les fugitifs de la Côte-Ferme et leur donnait des secours en objets de guerre pour recouvrer leur patrie, il conseillait à Bolivar, il mettait pour condition à ces secours, de proclamer la liberté générale des esclaves dans cette partie de l’Amérique méridionale. Dans la même année, on l’a vu recevoir avec égards les envoyés de la France, après avoir été modéré et indulgent envers un autre dont la mission perfide légitimait toute son indignation. Et si son patriotisme discuta avec chaleur les droits de son pays, fondés sur ceux de toute la race noire, il ne posa pas moins les bases équitables de la réconciliation entre Haïti et la France. Et pourquoi ? parce qu’en homme d’État, en vrai législateur qui veut fonder des institutions durables, il jugea qu’il fallait faire comprendre aussi à ses concitoyens, que cette race noire n’a pas seule des droits à ré-

  1. « Par quels moyens Guillaume (d’Orange) triompha-t-il de tous ces partis, de ces ennemis intérieurs, de ces obstacles ? Par un seul, en restant fidèle à la cause de la révolution qui l’a appelé. » — Louis-Napoléon, Révolutions de 1688 et 1830.